Voici, je crois bien, le premier exemplé d'une œuvre dramatique parlée, qu'on transforme en œuvre dramatique chantée, sans lui avoir fait subir le charcutage de la mise en livret. Une douzaine de vers remaniés, vingt ajoutés pour les besoins d'un chœur et d'un court ensemble, et cent trente-et-un supprimés sur les douze cents environ que contient la pièce, c'est à quoi s'est réduit le travail d'adaptation.
Les auditeurs de la comédie lyrique devant trouver quelque commodité à connaître ces variantes, on les a moté ci-après. Mais elles sont, en vérité, si peu nombreuses et si légéres, qu'on aurait pu se dispenser de cette précaution. Elle n'a guère qu'un vague intérêt bibliographique. Somme toute, c'est bien sur le texte même, joué à la Comédie-Française, que César Cui a écrit sa partition, d'un jet mélodique si continu, d'une si variée et si savante symphonie orchestrale. Il reste donc tout à fait acquis, et par une preuve éclatante, que, pour traduire musicalement des verse de théâtre, fût-ce des alexandrins, il n'est point nécessaire de les estropier, ni qu'ils soient des vers de mirliton. Il convient d'en remercier publiquement César Cui, et je le fais de tout mon cœur, et je prends la liberté de le faire, non-seulement en mon nom personnel, mais au nom de tous les poètes, qu'il arrache de la sorte à l'abominable supplice d'être presque toujours écorchés vifs quand on les met en musique.
J[ean] R[ichepin]
Stanford University